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ärsenik
"Ärsenik c'est le groupe qui monte, un gars à
la hauteur c'est rare comme une pute à son compte..."
Ärsenik c'est 2 frères C.A.L.B.O. & LINO, 2 lascars d'origine Capverdienne, de
Villiers-le-Bel (6e Chaudron) qui font partie du Secteur Ä. Ärsenik avait déjà
fait plusieurs duos avec de grands noms tels que : Nèg'Marrons, Passi, Hamed Daye, Stomy
Bugsy... Et en Juin 1998, ils ont sorti leur 1er Album .
Quelques gouttes suffisent...
CD 1 |
CD 2 |
1.Intro 2.Boxe avec les mots 3.Sexe,pouvoir & biftons 4.Par où t'es rentré, je t'ai pas vu sortir avec Passi 5.Jour 2 tonnerre 6.Quelques gouttes suffisent 7.Bienvenue au 6ème chaudron avec Armaguédon 8.Chrysanthèmes 9.Partout la même avec Nèg' Marrons 10.Affaires de famille avec Doc Gynéco 11.Interlude 12.Une saison blanche et sèche 13.Ils m'appellent 14.UN monde parfait avec Janik 15.La rue t'observe 16.Boxe avec les mots Remix K.O. technique |
L'enfer remonte à la surface.1
|
Pour Downloader les extraits RealAudios : Boxe avec
les mots, Par où t'es rentré...,
Quelques gouttes suffisent, Affaires de
famille, L'enfer remonte à la surface.
Voici des sites
d'autres groupes du Secteur Ä
Stomy Bugsy
&
Nèg'Marrons
Affûtez vos oreilles, car voici venir la nuit des longs couteaux:
Calbo et Lino, alias Arsenik, dosent leur venin verbal.
Soyons francs: je n'avais aucune envie d'aller interviewer Arsenik. Pourquoi ? Parce que leur premier album, "Quelques Gouttes Suffisent", semblait... Comment dire? Suffisant. Définitif. Alors aller mettre un micro face à Calbo et Lino ? Recueillir leur prose a capella sur une cassette ? Tout était déjà écrit, on aurait pu remplacer cette rencontre par une formule en forme d'épitaphe: « qu'est-ce que je pourrais te dire qu'a pas encore été dit? Rien d'inédit, à part que j'ai toujours une lame sous mon teddy. » Oui, soyons francs, en entrant dans les bureaux d'Hostile Records pour le one on one, on avait peur que les génies lyriques d'Arsenik ne déçoivent en interview freestyle. Tout faux. Il faudrait le son pour rendre compte de la diction tramante à l'étrange accent tonique de Lino. Il faudrait une caméra pour choper les demi-sourires qui éclairent le visage de Calbo quand il lâche une formule bien sentie. Mais on n'a qu'un magnétophone pour retranscrire la pensée Arsenik. Ça suffira. Durant une heure, un étrange cliquetis accompagne la conversation: celui du cutter que Lino manipule nerveusement sous la table. Toujours une lame sous son teddy. Ready ? Tch, tch...
L'AFFICHE: Arsenik, ça démarre comment?
CALBO : On est frangins à la base, on kiffe le rap, on a commencé ensemble.On était
trois au début avec Tony Truand, il était là au moment de "Balltrap".
LINO : C'était un peu le chien fou de l'affaire!
C. : Son absence sur l'album est due à des problèmes à lui. il a dû... partir.
Je le dirais comme ça.
L'A.: Clair. Ça n'a pas été trop dur de passer du trio au duo?
L. : On avait commencé avec Tony et on a dû remplacer les couplets, heureusement on
en était qu'aux maquettes, on a gardé les concepts et on s'est adaptés.
L'A.: Votre premier coup d'éclat, c'était "Balltrap"
sur la compile "L'Art D'Utiliser Son Savoir"?
C. : Oui. Avant on faisait des apparitions dans la cité. On a même fait un concert
en Hongrie lors d'une tournée des MJC.
L. : Des petits trucs vite fait avec la mairie, pour les jeunes. Après on a
rencontré DJ Desh dans une soirée, boum.
L'A.: Ce style, vous l'avez depuis le début?
C.: On a su qu'on avait un style quand on nous l'a fait remarquer. Pour nous c'était
naturel.
L. : C'est vrai qu'on ne nous capte pas toujours du premier coup!
"Balltrap" plein de gens ne comprenaient rien.
C. : Y'a le flot, les gens kiffent mais il leur faut deux-trois écoutes pour
choper.
L. : On a toujours eu ce truc de couper les mots, rimer décalé, employer des
métaphores et des sous-entendus.
L'A.: Le Sixième Chaudron, c'est votre enfer banlieusard?
L. : C'est le deuxième blaze de notre quartier à Villiers-Le-Bel, la Cerisaie.
L'A.: Vous avez été relativement discrets entre vos débuts et
ce premier album brillant...
L. : Après "Balltrap" on a rencontré Kenzy à la radio Fréquence Paris
Pluriel. C'était le seul qui soit venu nous voir pour nous dire que ça déchirait. Les
autres ne voyaient pas. Nous on arrivait à la barbare et il a capté direct. Kenzy est
d'ailleurs le premier mec du biz qu'on ait croisé.
L'A.: Votre son massif est signé Djimmy Finger du début à la
fin à l'exception de "Par Où T'Es Rentré, Je T'Ai Pas Vu Sortir" (signé
Chris): c'était lui et pas un autre?
C. : On a kiffé direct le son de Djimmy et on s'est dit voilà, on va le tuer cet
album.
L. : C'est le son Djimmy Finger ! Très lourd, beaucoup de mélodies, c'est ça
qu'on voulait. Djimmy était inconnu au bataillon, il a démarré avec nous.
C. : A chaque fois que quelqu'un nous donnait un son, Djimmy nous en proposait un
meilleur. Là, le choix est plus possible
L'A.: Pourquoi avoir tant attendu après votre morceau macabre
"L'Enfer Remonte À La Surface" sur la compile "Hostile Hip Hop" en
96?
C. : Si on était sortis à l'époque on nous aurait catalogué comme un groupe
macabre.
L. : On nous a traités de satanistes!
C. : Y'en a qui attendaient une saloperie avec des images de hard et des têtes
coupées alors que c'est pas ça du tout.
L'A.: Oui, mais on a quand même des sueurs froides en écoutant
le récit de votre mort dans le funèbre "Chrysanthèmes"...
C. : Là je suis comme un observateur, je vois la vie du gars défiler.
L'A.: Ça ne vous étonne pas que ce soit au sein même du public
hip hop que l'on retrouve les pires critiques sur les rappers ? Trop violents, trop
ironiques, trop explicites...
L. : Pour moi c'est des conneries, la violence elle est là, elle a été et elle sera
encore. Nous ce qu'on fait c'est avec notre coeur et nos tripes, naturel.
C. : On sort pas le code pénal pour écrire nos textes ! Par contre on
n'aime pas balancer des trucs comme "va t'faire enculer salope" dans un morceau.
L'A. : C'est sûr que "l'argent n'a pas d'odeur mais la
femme a du flair", ça sonne mieux que "sale pute matérialiste".
L. : Voilà ! Mais l'autocensure c'est naze.
L'A. : Ça vous surprend
de savoir que les grosses ventes de rap français sont dues à l'achat massif d'un grand
public plutôt blanc et plutôt middle class?
C. : Pour nous c'est ce qu'on vit, pour certains c'est comme une fenêtre. Au lieu de
venir avec leurs petits costumes dans une cité où ça tire partout, ils vont acheter un
disque de rap! C'est une manière de s'encanailler.
L. : C'est ce qui est arrivé à NWA au début. J'ai bien vu une émission avec une petite
de Neuilly qui aimait Ministère A.M.E.R.
L'A. : Le racisme en France, c'est le méme qu'ailleurs?
C. : Le même. Sauf qu'ici c'est un racisme qui dort. Comme on dit, "On t'insulte
avec un regard..."
L'A. : "...On te baise avec un sourire".
C. : Voilà. Ici on ne te dira pas "sale nègre" dans la rue
mais on n'en pense pas moins.
L. : Vaut mieux savoir qui est ton ennemi.
C. : Dans notre quartier le pen fait du chiffre mais où sont les
racistes ? On ne les voit pas.
L'A. : A part le groupe Armageddon, les invités de
votre album sont presque tous issus du Secteur Ä : Passi, Doc Cynéco, Nèg' Marrons, MC
Janik...
C. : On en avait prévu d'autres et pour X raisons ça n'a pas pu se
faire. "Affaire De Famille" avec Gynéco illustre bien ça: on a beau essayer de
faire des trucs avec les autres, on se retrouve toujours entre nous au bout du compte.
L'A. : Calbo, tu viens de réalliser un single pour
Donya, une chanteuse rappeuse option r&b...
C. : J'aime bien les filles bizarres. Donya elle fait un rap posé, elle
est vraie. Elle en veut, mais pas avec un rap vénèr' ! Ça m'a plu, rien à voir avec
une meuf qui déchire comme Casey.
L. : Attention, on aime bien Casey aussi.
C. : On a fait un son bien accessible avec Djimmy, elle a fait son rap
comme elle est, elle appelle ça hip pop. C'est bien d'aider les gens qui bossent et qui
en veulent, mais le copinage est dangereux dans ce milieu. Si ton meilleur ami rappe comme
une paire de pompes et que tu l'invites pour un titre, c'est nul.
L'A.: En écoutant vos textes et ceux de vos pairs, on a
une image très noire de la France des banlieues...
C.: Quand on parle du Sixième Chaudron, ça bout là-bas. Les gens veulent s'en
sortir, mais comment ? Un texte comme "Petit Frère" d'IAM, c'est la pure
réalité. Une anecdote : dernièrement, un jeune du quartier a donné un coup de tête à
un commissaire. Tu vois ce que je veux dire ? A 14 ans. Ça résume tout.
Texte : Olivier Cachin L'Affiche n°56 Juin 1998.